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Le concept de « contagion » présente une généalogie complexe et ramifiée. Associé aujourd’hui avant tout à l’immunologie médicale, il embrasse aussi le champ des affects et des représentations, à la croisée entre pensée religieuse, anthropologie sociale et théorie culturelle. En outre, et comme cela fut déjà avancé par Slavoj Žižek dans Tempête virale (2020), qui reprend et réactualise les intuitions de Tolstoï sur l’art comme contagion, cette notion peut devenir une grille de lecture du phénomène esthétique en général. La contagion permet en effet de penser l’inoculation mais aussi la dissémination des notions, images, formes dans les stratégies artistes ou théoriques, et par là de soulever des questions actuelles comme l’intermédialité, le crossover, le spillover, l’intersectionnalité, etc. Une dynamique de passage de vérités entre catégories médicales et notions esthétiques permet d’établir les coordonnées d’une viro-esthétique comme champ problématique inédit.
La contagion constitue le revers d’une autre notion qui continue de hanter la pensée juridique et politique : l’immunité. Bénéficier d’une immunité, c’est pouvoir s’extraire du commerce avec le commun des mortels. L’immunitas confère un privilège qui isole du reste de la communitas. En médecine, l’immunologie s’est éloignée depuis longtemps de ce paradigme initial, pour élaborer la signification d’un niveau de tolérance vis-à-vis des corps étrangers. Repenser la contagion implique ainsi de repenser aujourd’hui le rapport entre soi et autrui, le Même et l’Autre, son corps et tout ce qui, en lui, fait signe déjà vers des communautés de stylisation et d’existence. Roberto Esposito, Keynote Speaker du workshop, dans son Immunitas (2002, traduit en français en 2020) montre bien que la compréhension médicale récente du phénomène immunitaire implique qu’on sorte du modèle de la défense de l’intégrité pour celui de l’appropriation créatrice. La pratique artistique et la réflexion esthétique sont alors appelées à repenser leurs rapports avec l’actualité du discours scientifique mais aussi socio-politique, en faisant de la notion de contagion un moteur de questionnement de leur force de création et de partage.
Notre workshop souhaite s’interroger sur l’histoire et la portée critique de cette notion de contagion dans le champ des arts et de l’esthétique, en laissant ouverte son équivocité fondamentale. Il faudra se demander quelles « contaminations » s’effectuent entre la construction du concept de contagion d’un côté dans la médecine, les sciences biologiques et sociales, de l’autre côté dans la pratique des arts, avec des effets de spillover externes et internes. Mais il s’agira aussi de mettre à l’épreuve la notion de contagion comme paradigme esthétique pour mieux comprendre les phénomènes artistiques dans leurs dimensions de communication et de mise en relation.
Le workshop, organisé en collaboration et en co-financement entre la CUSO et l’Université de Fribourg, se déroulera sur deux journées. La participation à la conférence est gratuite, mais une inscription est appréciée pour garantir la disponibilité des places.
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Programme
Jeudi 5 mai
14h00-14h30
Introduction par Emmanuel Alloa (Université de Fribourg)
14h30-15h00
Roberto Esposito (Scuola Normale Superiore, Pisa)
« Le tournant immunitaire »
15h00-15h30
Discussion
15h30-16h00
Pause
16h00-16h20
Louis Mühlethaler (EHESS / CRAL)
« Contagion et rejet des figures marginales de la communauté. »
16h20-16h40
Dore Mango (ENS Lyon / Université de Palerme)
« La promotion de la santé à l’aune du behavioral contagion. »
16h40-17h00
Discussion
Vendredi 6 mai
09h30-10h00
Vincent Barras (Université de Lausanne)
« Limites corporelles/limites disciplinaires : autour d’Empty Words (1973-1975), de J. Cage. »
10h00-10h30
Discussion
10h30-11h00
Pause
11h-11h30
Béatrice Joyeux-Prunel (Université de Genève)
« Contagion des images. Le tournant épidémiologique des études visuelles »
11h30-12h00
Discussion
12h-13h30
Pause déjeuner
13h30-13h50
Clément Scotto di Clemente (Sorbonne Université)
« La peste dans les querelles sur le théâtre de la première modernité, en France et en Angleterre. »
13h50-14h10
Thomas Bruckert (Université de Poitiers)
« Le spectacle contagieux. Un motif transversal de la théâtrophobie. »
14h10-14h30
Antonella Fenech (CNRS / Centre André Chastel)
« De l’air de Rome. Vasari, la mal’aria et “the place to be“. »
14h30-15h00
Discussion
15h00-15h20
Pause
15h20-15h50
Antonio Lucci (Humboldt-Universität Berlin)
« La contagion : généalogie d’un concept médical entre religion, éthique et psychologie des masses. »
15h50-16h30
Discussion et Conclusion